Point de presse sur la mise en œuvre de la CIAC au Togo

Le mardi 19 décembre 2017, le Bureau de l’Autorité Nationale pour l’Interdiction des Armes Chimiques au Togo (ANIAC) à tenue un point de presse visant à informer le grand public togolais de l’existence de  l’Autorité Nationale pour l’Interdiction des Armes Chimiques et de ses missions, surtout son engagement en faveur de la santé publique.

Il convient de rappeler que l’ANIAC est une structure nationale qui répond aux exigences de l’article VII de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, signée à Paris le 13 janvier 1993 et entrée en vigueur le 29 avril 1997.

La Convention est unique en son genre, car il s’agit en effet, du premier traité multilatéral qui interdit toute une catégorie d’armes de destruction massive et prévoit la vérification internationale de la destruction de celles-ci. Il s’agit, en outre, du premier traité de désarmement négocié dans un cadre entièrement multilatéral, ce qui ouvre la voie à une plus grande transparence et à une égalité d’application à tous les Etats parties.

La Convention a également été négociée avec la participation active de l’industrie chimique du monde entier, garantissant ainsi le concours continu de cette dernière au régime de vérification de l’industrie établi par la Convention. Cet instrument prévoit, à ce titre,  l’inspection et la visite des installations industrielles afin de garantir que les produits chimiques toxiques servent uniquement à des fins humanitaires. Globalement, la communauté internationale a réussi à mettre au point un traité qui permet à la fois de vérifier la destruction des armes chimiques à l’échelle mondiale et de garantir la non-prolifération de ces armes et des produits chimiques toxiques entrant dans leur fabrication. Par ailleurs, la Convention favorise la coopération internationale entre les Etats parties dans l’utilisation pacifique de la chimie et prévoit une assistance et une protection destinées aux Etats parties menacés ou attaqués par des armes chimiques

Dans l’optique de mettre en œuvre les recommandations de la CIAC au plan mondial, il a été mis sur pied aussitôt qu’entrait en vigueur la Convention, c’est-à-dire en 1997, l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC). L’OIAC veille à  mettre un terme à la mise au point, à la fabrication, au stockage, au transfert et à l’emploi d’armes chimiques afin de mettre le monde à l’abri de la menace des armes chimiques.

A ce sujet, son mandat est de poursuivre les objectifs de la Convention, de veiller à l’application de ses dispositions, y compris celles qui concernent la vérification internationale du respect de ses dispositions et de constituer une tribune pour la consultation et la coopération entre les Etats parties. Elle vise également à l’élimination complète des armes chimiques dans le monde entier.

A cette fin, elle œuvre à l’exécution des quatre dispositions principales de la CIAC, à savoir

  • la vérification de la destruction de toutes les armes chimiques existantes 
  • l’adoption des mesures propres à mettre fin à la fabrication d’armes chimiques,
  • l’assistance et la protection à tout Etat partie faisant l’objet de menaces ou d’attaques à l’arme chimique 
  • et la promotion de la coopération internationale dans le domaine de l’utilisation pacifique de la chimie.

Forte de 192 Etats parties, ce qui représente plus de 98% de la population mondiale, la CIAC s’approche peu à peu de son objectif d’universalité. Aujourd’hui, quatre Etats ne sont pas encore parties à la Convention, il s’agit de la Corée du Nord, de l’Egypte, du Soudan du Sud et d’Israël (ce dernier a signé la CIAC mais ne l’a pas ratifiée à ce jour).

La convention prend en compte des besoins légitimes de sécurité des Etats, la recherche inlassable de l’équilibre, le recours au règlement pacifique des conflits et enfin la volonté de l’application du droit humanitaire. C’est justement fort de ses engagements pragmatiques et salutaires pour un monde exempt d’armes chimiques et la promotion de la paix et du désarmement, que le Prix Nobel de la paix a été décerné à l’OIAC en 2013.

Dans cette perspective, la mise en place de l’ANIAC-TOGO est un engagement fort de notre pays dans la prévention, la lutte contre la circulation illicite des produits chimiques et la protection socioéconomique de la population dans son ensemble.

A ce sujet, toutes les entités commerciales et  toutes celles qui traitent des produits chimiques concernés par la Convention  ou des produits chimiques organiques définis (PCOD) sont invités à collaborer afin que notre pays puisse bénéficier des avantages qu’offre la coopération technique de l’OIAC. Pour ce faire, ces entités doivent fournir à l’Autorité nationale des informations sur leurs activités chimiques sous forme de déclarations, dans l’optique de recevoir en cas de besoin une mission d’inspection. En acceptant ces visites et inspections, une entreprise peut se prémunir des accusations non fondées de sa participation à des activités liées à des armes chimiques et démontrer sa conscience sociale envers le public, renforçant ainsi sa réputation et son profil humanitaire.

Chaque Etat doit se protéger contre la menace chimique surtout, son emploi irresponsable ou à des fins malveillantes. Le territoire togolais ne saurait se soustraire de ces risques, et ne pas penser être concerné par les produits chimiques, car il est d’urgence de prévenir le détournement des produits et des installations chimiques, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire dans « l’affaire Probo Koala » avec le déversement des déchets chimiques, en 2006, et  son lot de dégâts sur l’environnement marin et sur la santé des populations. Au regard de sa situation géostratégique associée aux opportunités d’affaires qu’il offre surtout son port en eau profonde et la densité de son réseau industriel, le Togo est devenu de nos jours, une plaque tournante de transaction des produits de toutes sortes dans la sous-région ouest africaine. Nous convenons maintenant que les produits chimiques peuvent avoir des usages multiples, et que les installations chimiques classiques peuvent être détournées.

Face à cette situation dans laquelle les enjeux de paix et de sécurité ont pris le pas sur les programmes de développement, le Gouvernement Togolais a souscrit aux différents instruments juridiques internationaux en charge des questions de désarmement, de maintien de la paix et de la sécurité internationale. C’est à ce titre que notre pays a adhéré entièrement aux fondamentaux et aux obligations de la Convention sur l’Interdiction des Armes Chimiques (CIAC) qui porte sur des produits chimiques, dont la plupart sont de nature organique.

A la lumière de tout ce qui précède, je voudrais vous inviter à bien vouloir être les portes flambeaux de l’ANIAC dans la transmission de l’information et surtout la compréhension qu’il faut avoir des armes chimiques.

En effet, le concept des armes chimiques pose un véritable problème de compréhension de la part du grand public. Pour d’aucuns, les armes chimiques relèvent du domaine de l’armée et pour les autres, les pays en développement, comme notre pays le Togo ne saurait être détenteur ni utilisateur des armes chimiques.

Voilà une appréhension erronée que plusieurs personnes ont des armes chimiques.  Au sens plus large, une arme chimique est tout produit chimique dont l’usage peut causer des dommages à la santé de l’homme voire entrainer la mort. C’est ainsi qu’on peut  être interpellé par les potentiels utilisateurs malintentionnés des produits chimiques que sont les organisations non-étatiques.

Selon la CIAC,  la Convention a prévu une classification des armes chimiques, en trois tableaux, y compris des annexes.

Le tableau 1 concerne tous les produits chimiques qui ont été ou peuvent être facilement employés comme armes chimiques et qui sont très rarement – ou ne sont jamais- susceptibles d’être employés à des fins pacifiques. Ces produits et leurs précurseurs, sont soumis à des restrictions, notamment :

Un plafond de fabrication d’une tonne par année et par Etat partie,

Un plafond d’une tonne pour la quantité totale qu’un Etat partie donné peut détenir à tout moment, l’obligation d’une licence et avec des restrictions de transferts.

Certains de ces produits chimiques sont employés dans la composition de préparations pharmaceutiques ou à des fins de diagnostic. Pour cela prenons en exemple

La saxitoxine, produit chimique du Tableau 1, sert d’étalon de référence dans le cadre de programmes de contrôle d’intoxication par phycotoxine paralysante et dans la recherche neurologique. La ricine, autre produit chimique du Tableau 1, sert également dans la recherche biomédicale. Certains produits chimiques du Tableau 1 et/ou leurs sels sont utilisés en médecine comme agents antinéoplasiques. D’autres sont généralement fabriqués et employés à des fins de protection, par exemple pour tester le matériel de protection contre les armes chimiques et les alertes chimiques.

Le tableau 2 regroupe tous les produits chimiques qui sont des précurseurs d’agents d’armes chimiques, ou, dans certains cas, peuvent être employés comme tels, mais qui se prêtent à d’autres utilisations commerciales (ingrédients entrant dans la composition de résines, ignifugeants, encres et teintures, insecticides, herbicides, lubrifiants ou matières premières de produits pharmaceutiques). 

On peut citer comme exemple, le BZ produit neurotoxique (pharmaceutiques comme le bromure de clidinium); Le thiodiglycol, précurseur de l’ypérite (d’encres à base aqueuse, de teintures et de certaines résines), Le méthylphosphonate de diméthyl (textile et plastique alvéolaire).

Le tableau 3, est relatif aux produits chimiques qui peuvent servir à fabriquer des armes chimiques ou être employés eux-mêmes comme armes chimiques, mais qui sont largement utilisés à des fins pacifiques (notamment dans les plastiques, les résines, l’exploitation minière, le raffinage du pétrole, les fumigants, les peintures, les enduits, les agents antistatiques et les lubrifiants).

La triéthanolamine, précurseur de l’ypérite à l’azote, entre dans la composition de nombreux détergents (comme les shampooings, les bains moussants et les produits ménagers) et elle est utilisée dans la désulfuration des courants de gaz combustibles.

A ces trois tableaux, il faut ajouter les Produits Chimiques Organiques Définis (PCOD) qui ne sont répertoriés ni dans les tableaux, ni ailleurs dans la Convention. C’est presque le cas de tous les autres produits chimiques industriels. Les unités de fabrication de PCOD sont appelées « autres installations de fabrication de produits chimiques ». Ces sites d’usines sont assujettis à des obligations de déclaration et de vérification si leur production globale de PCOD excède 200 tonnes par an. Ils sont également assujettis à des obligations s’ils fabriquent plus de 30 tonnes de produits contenant du phosphore, du soufre ou du fluor (désignés par PSF).

Je ne saurais conclure sans parler des Agents de Contrôle Anti-émeute utilisés lors de maintien de l’ordre. Ces agents ne sont pas définis comme des armes chimiques, car ils n’entrainent pas à la mort. Il y a une liste de ces produits reconnus par la Convention dans son article II, comme agents anti-émeute.

La grande problématique est que ces produits chimiques pris individuellement ou en combinaison avec d’autres produits, constituent un danger pour les consommateurs que nous sommes.

En effet, les produits chimiques sont utilisés sur le territoire togolais et ceci, dans plusieurs domaines, notamment l’agriculture, la médecine, la recherche, l’industrie, le commerce, les mines, l’alimentation, etc. Le constat est que c’est l’homme qui est au centre de ces différentes utilisations des produits chimiques qui, au-delà de leurs bienfaits, ont également des conséquences fâcheuses sur la santé humaine et l’environnement.

Par exemple, l’agriculture utilise de grandes quantités de produits chimiques artificiels comme engrais, comme insecticides ou herbicides et comme régulateurs de la croissance des plantes. Les insecticides et les herbicides sont épandus dans l’environnement pour lutter contre les mauvaises herbes, les maladies des plantes et autres facteurs nuisibles qui impactent sur les cultures ou l’élevage, ainsi que pour lutter contre les insectes qui transmettent les maladies humaines. Ils jouent donc un rôle de premier plan dans l’agriculture et en hygiène publique. Du fait de ses avantages en termes de rendement économique et d’amélioration de la santé et du bien-être de l’homme, cette technique de lutte chimique a été rapidement adoptée dans le monde entier. Toutefois, l’utilisation des insecticides dans les pays développés est souvent réglementée et surveillée à cause des problèmes qu’elle peut entraîner si elle n’est pas judicieuse. Malheureusement, de nombreux pays en développement n’ont pas l’expérience et les connaissances techniques nécessaires pour résoudre de tels problèmes.

Cette situation rend complexe l’usage des produits chimiques et augmente les risques sanitaires. Les mêmes effets des produits chimiques s’observent dans d’autres domaines tels que dans les produits alimentaires.  On trouve sur les places des marchés toute une multitude de produits utilisés en cosmétiques pour la dépigmentation par exemple ; dans les boissons sucrées (édulcorants, arômes, conservateurs, produits pour rehausser le gout des aliments) comme des additifs ; en boulangerie on entend dire de l’usage douteux du formol qui rehausserait le gout sucré dans notre pays. Naturellement le formol est un gaz et il doit être en solution dans l’eau ; Toutefois le produit existe sous forme solide lorsqu’il est polymérisé ou sous forme trimère appelé Trioxane ou Trioxine. En début des années 2000, cette forme trimère a été retrouvés dans les aliments en Turquie et les produits incriminés ont été saisis et retirés du marché. On serait trop dire sur les boissons alcoolisées et du sodabi produit par des voies douteuses qui sont disponibles sur le marché national, surtout en ces moments des grandes fêtes de fin année qui approchent.

L’ANIAC saurait gré des dispositions nécessaires que la population togolaise voudrait prendre pour interpeller l’Autorité pour toute information utile concernant les produits chimiques.

Sans prétendre avoir donné une liste exhaustive des effets négatifs des produits chimiques sur la santé de l’homme et de son environnement, je voudrais clore mon propos en invitant toutes les structures concernées par la chimie à faire preuve de responsabilité et de rationalité en vue d’éviter à la population togolaise les déboires de ces  produits.